2021
Telii : amie, enseignante et dirigeante
Juin 2021


Version numérique uniquement : Femmes des débuts du Rétablissement

Telii : amie, enseignante et dirigeante

La foi et les actions de Telii ont été essentielles à la croissance de l’Église en Polynésie française.

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vue de la côte de l’île

Le 30 avril 1844, le Timoleon est apparu à l’horizon de Tubuai, petite île du Pacifique, située à 640 kilomètres au sud de Tahiti. Des canoës remplis d’hommes sont venus accueillir les passagers. Lorsqu’ils ont rencontré Addison Pratt, Noah Rogers et Benjamin Grouard, les premiers missionnaires saints des derniers jours à venir dans la région, ils les ont accueillis chaleureusement. Cela faisait près de cinquante ans que les habitants de l’île recevaient la visite de missionnaires chrétiens, la plupart envoyés par la Société missionnaire de Londres, et qu’ils avaient embrassé les enseignements chrétiens. Les missionnaires se rendaient parfois dans les deux villages de l’île, Mahu et Mataura, mais leurs séjours étaient généralement courts. Telii1, habitante du village de Mataura, a également été très enthousiaste quand elle a appris l’arrivée de nouveaux enseignants de l’Évangile. Les rois et les chefs de Tubuai ont essayé de convaincre l’un des missionnaires de rester sur l’île afin d’être leur enseignant, et Telii et son mari, Nabota, ont proposé d’accueillir les missionnaires dans leur foyer2.

Au début, les missionnaires ont refusé ces invitations. Les habitants de l’île, qui tenaient vraiment à ce qu’ils restent avec eux, ont insisté. Alors, frère Pratt a déclaré : « J’ai pris la question en considération à l’aide de la prière et j’ai bientôt été convaincu que quitter cette île reviendrait à fuir mon devoir3. » Les frères Grouard et Rogers ont donc vogué vers Tahiti tandis que frère Pratt est resté et a accepté l’offre d’habiter chez Telii et Nabota. Ceux-ci ont immédiatement aidé frère Pratt à étudier la langue de l’île, et ont appris l’Évangile pendant que des visiteurs demandaient au missionnaire de traduire les Écritures, de donner des conseils spirituels et des bénédictions de guérison4. Tandis que Telii et Nabota écoutaient frère Pratt prêcher, le feu d’un témoignage grandissant s’allumait dans leur cœur. Fin juillet 1844, Telii et Nabota sont devenus les premiers habitants de Tubuai à être baptisés. Ils ont bientôt été suivis par beaucoup d’autres.

Au cours des années suivantes, alors que les missionnaires saints des derniers jours continuaient à visiter Tubuai, Telii et Nabota sont devenus une source de force et de soutien pour eux et pour leur communauté croissante sur l’île. Telii est devenue l’amie, l’enseignante et la dirigeante des missionnaires et des membres locaux.

Amie

Telii, Nabota et frère Pratt ont noué une amitié profonde et loyale. « La famille d’autochtones chez qui je vis est très attachée à moi ; là où je vais, ils me suivent, et là où je reste, ils restent également », écrivit Frère Pratt à sa femme, Louisa5. Chaque village comptant de petits groupes grandissants de convertis, frère Pratt commença rapidement à passer d’un village à l’autre, passant une semaine dans l’un puis une semaine dans l’autre. Lorsqu’il était à Mataura, il vivait chez Telii et Nabota. Quand il se rendait à Mahu, ils l’accompagnaient et passaient la semaine chez des membres de la famille de Telii6. En plus d’être les premiers autochtones baptisés par frère Pratt, Telii et Nabota étaient bien souvent ses plus ardents défenseurs, faisant part aux autres des connaissances qu’ils avaient glanées dans les nombreux sermons et conversations qu’ils avaient entendus7.

Au début de l’année 1846, frère Pratt annonça qu’il se rendrait à Anaa, atoll situé à 780 kilomètres au nord-ouest de Tubuai, afin d’assister frère Grouard, qui y connaissait un succès fantastique. Telii et Nabota insistèrent pour l’accompagner. Arrivés sur Anaa, ils trouvèrent plus de six cents convertis répartis dans cinq branches. Tandis que frère Pratt se consacrait aux tâches administratives des différentes branches, Telii et Nabota l’accompagnaient, prêchant l’Évangile, rendant visite à la population pour répondre à ses besoins et lui amenant les malades afin qu’il les bénisse8.

Enseignante

Telii aida à répandre l’Évangile en traduisant les cantiques et les Écritures des saints des derniers jours et en les adaptant au himene, style de chant très répandu dans la région. Le soir, au crépuscule, Telii rassemblait souvent de grands groupes pour chanter ces chansons. Ces rassemblements duraient régulièrement jusque tard dans la nuit. Grâce aux chansons de Telii, de nombreux habitants de la région apprirent les principes de l’Évangile et gravèrent des passages des Écritures dans leur esprit et dans leur cœur9.

En septembre 1845, deux missionnaires de la Société missionnaire de Londres, à bord du John Williams, vinrent à Tubuai pour discuter avec frère Pratt. Tandis que frère Pratt menait un débat animé avec l’un des missionnaires, le deuxième se mit à la recherche des gens qui avaient accepté le message du saint des derniers jours. Frère Pratt rapporta que ce missionnaire « les réprimanda pour avoir été baptisés ». Il essaya de leur prouver, à l’aide des Écritures, qu’ils avaient été trompés mais, comme le rapporta frère Pratt, Telii lui tint tête et « soutint tellement bien le message des Écritures qu’il ne parvint pas à la contredire10 ».

Dirigeante

En février 1846, frère Pratt quitta les branches d’Anaa et de Tubuai pour se rendre aux États-Unis. Il promit de revenir avec plus de missionnaires. Quatre ans et demi plus tard, le 21 octobre 1850, vingt et un saints des derniers jours, sept hommes, cinq femmes et neuf enfants, épuisés par leur voyage, débarquèrent sur les rivages de Tubuai.11 Frère Pratt, appelé à conduire un contingent de missionnaires dans les îles, était revenu avant le reste du groupe, mais il avait été arrêté à Tahiti par des fonctionnaires coloniaux qui étaient méfiants à l’égard des missionnaires. Louisa Barnes Pratt, l’épouse de frère Pratt, et leurs quatre filles, elles, faisaient bien partie de la compagnie. Louisa demanda tout de suite à faire la connaissance de Telii et Nabota, les « bons amis » de son mari. Un vieil homme les mena, elle et les autres missionnaires, à la maison de Telii et Nabota où, bien que malade depuis plusieurs jours, Telii avait préparé un festin de porc, poisson, po’e (plat local à base de racines de taro) et de fruits. Le reste de la soirée se passa à célébrer l’arrivée des missionnaires en chantant des himenes jusque tard dans la nuit. Louisa dit : « Leur musique était ravissante. Leurs voix sont fortes et claires12. »

Frère Pratt fut bientôt réuni avec sa famille à Tubuai et, au cours des dix-huit mois qui suivirent, il supervisa l’Église dans toutes les îles. Louisa et Telii devinrent des amies proches, œuvrant souvent ensemble pour servir les femmes de la branche de Tubuai13. En 1852, à cause de tensions avec les autorités coloniales françaises, Louisa et les autres missionnaires se préparèrent à quitter la Polynésie française. Dans un dernier sermon aux sœurs de Tubuai, Louisa les supplia de persévérer dans la foi et confia leur enseignement à Telii. « Nous avons nommé Telii leur gardienne », se souvint Louisa14.

L’acceptation de l’Évangile par Telii, son enseignement attentif et la manière dont elle servit les autres membres ont laissé une impression durable sur ceux qui avaient été convertis par sa parole, ses actes et ses chants. Pendant quarante ans, les autorités françaises refusèrent de laisser les missionnaires saints des derniers jours revenir dans les îles. Le contact avec Telii et la branche de Tubuai se perdit et il ne reste aucune trace écrite de cette époque. Cependant, en 1892, lorsque des missionnaires furent autorisés à y retourner, un petit groupe des premiers convertis les accueillit avec enthousiasme15. Bien que Telii fût décédée avant le retour des missionnaires, son legs de service et d’activité missionnaire permit de soutenir les saints à Tubuai.

Notes

  1. Malheureusement, il n’existe pas d’écrit de la main de Telii. Ce que nous savons d’elle provient des documents que nous ont laissés les premiers missionnaires qui ont prêché à Tubuai.

  2. Kathleen C. Perrin, « Seasons of Faith: An Overview of the History of the Church in French Polynesia, » dans Pioneers in the Pacific: Memory, History, and Cultural Identity among the Latter-day Saints, aux éditions Grant Underwood, 2005, p. 202–204.

  3. Pratt et Addison, Journal, 1er mai 1844, Bibliothèque de l’Histoire de l’Église, Salt Lake City.

  4. Perrin, « Seasons of Faith », 204; Journal de Pratt, 20 et 28 juin 1844.

  5. « Extract of a Letter from the Island of Tooboui, Society Group, » Millennial Star, 1er août 1845, 59.

  6. Journal de Pratt, 24 août 1844.

  7. Voir Journal de Pratt, 28 octobre 1844 et 16 septembre 1845.

  8. « Aux îles de la mer, » Histoires du monde, https://www.churchofjesuschrist.org/study/history/global-histories/introduction?lang=fra.

  9. « Himene, » Histoires du monde, https://www.churchofjesuschrist.org/study/history/global-histories/introduction?lang=fra.

  10. Journal de Pratt, 16 septembre 1845.

  11. R. Lanier Britsch, Aux îles de la mer : Histoire des saints des derniers jours dans le Pacifique, 1986, p. 15.

  12. S. George Ellsworth, ed., The History of Louisa Barnes Pratt: Mormon Missionary, Widow, and Pioneer1998, p. 124–126.

  13. « Aux îles de la mer »

  14. Ellsworth, ed., The History of Louisa Barnes Pratt, p. 177.

  15. « J’ai toujours dit que vous reviendriez », Histoires du monde, https://www.churchofjesuschrist.org/study/history/global-histories/introduction?lang=fra.