2020
Sommes-nous arrivés ?
Août 2020


Un message d’adieu

Sommes-nous arrivés ?

Sommes-nous arrivés ? La plupart des parents et grands-parents se souviennent de cette question. Naume et moi nous sommes fait poser cette question à maintes reprises par nos quatre enfants en grandissant, mais surtout lors de notre voyage familial annuel au temple de Johannesburg, en Afrique du Sud. Ce voyage durait entre 12 et 18 heures selon la situation à la frontière, avec des services de l’immigration qui étaient imprévisibles.

Pendant ces voyages, à cause de la distance et des nombreuses heures de route, nos enfants demandaient constamment : « Sommes-nous arrivés ? » Ma femme, Naume, et moi, en essayant de décrire la distance du voyage à nos enfants, nous répondions : « Tu vas dormir, te réveiller, dormir, te réveiller, dormir, te réveiller, et puis nous serons là, ou presque là ». Parfois, nos enfants essayaient de simuler les segments de sommeil du voyage lorsque le voyage leur semblait trop long et trop ennuyeux, en espérant que le fait d’éliminer le sommeil réduirait d’une manière ou d’une autre la distance.

Nous avons essayé d’être aussi créatifs que possible pour rendre ces longs voyages aussi agréables que possible pour les enfants. Bien que nous ayons souvent été confrontés à la fatigue et parfois à des déceptions, nous n’avons pas laissé ces circonstances nous détourner de l’objectif que nous nous étions fixé en tant que mari et femme. Notre but était de faire en sorte que nos enfants aient la bénédiction de toucher les murs du temple et de participer aux baptêmes de nos proches au moins une fois par an. Lorsque nous repensons à ces expériences, nous ne les échangerions jamais contre autre chose.

Je me demande parfois si nous n’avons pas manqué la joie du voyage parce que nous nous sommes trop concentrés sur notre arrivée imminente. Rétrospectivement, j’ai peut-être manqué la joie de la préparation d’une mission, la joie de la préparation d’un mariage et la joie de la préparation de notre première expérience de dotation au temple et de l’ordonnance de scellement qui a suivi, trois ans après notre mariage civil, parce que nous n’avions pas les moyens de nous rendre au temple de Johannesburg, en Afrique du Sud. La joie d’attendre l’arrivée de notre premier enfant m’a-t-elle manqué ? En ne voyant pas la situation dans son ensemble, j’ai peut-être manqué de grandes opportunités en cours de route.

Heureusement, il n’y a pas de fin à l’éternité. Nos priorités et nos objectifs doivent être correctement placés dans le cadre de l’éternité. Dans notre vie, notre famille, notre appel, nos devoirs, nos études, le paiement de nos dîmes complètes, le culte au temple, le repentir au quotidien, et toute autre entreprise valable que nous pourrions entreprendre, nous devrions éviter la stagnation qui peut survenir en nous concentrant continuellement sur l’arrivée. Nous devons toujours garder à l’esprit que la joie est dans la marche, la recherche d’un emploi, l’adaptation à la vie après la mission, la prière pour trouver un compagnon éternel, la joie est dans le voyage, les épreuves, les tribulations, la fatigue et l’anxiété ; et pas seulement dans l’arrivée imminente, mais dans le voyage, aussi difficile que cela puisse être, le prix a été payé.

Nous pouvons imaginer les disciples du Seigneur, qui avaient passé de nombreuses heures, jours, semaines et peut-être même mois à marcher et à prêcher avec le Sauveur. Ils étaient las, affamés, assoiffés et fatigués de leur voyage. Les disciples du Sauveur étaient épuisés physiquement et spirituellement. Ils ont dormi pendant la nuit mouvementée de tortures infligées à leur Seigneur bien-aimé.

Comment cela a-t-il pu se produire ? Marc explique : « L’esprit est bien disposé, mais la chair est faible. »1 Trop souvent, dans nos moments de détresse émotionnelle et de chagrin, nous prenons l’option facile et confortable de nous endormir. L’endormissement des disciples était une réponse naturelle car leur corps avait connu un chagrin intense. Le corps et l’esprit ont succombé à la mentalité de l’arrivée. Ils savaient que c’étaient les derniers moments du Sauveur avec eux.

Cependant, leur fidélité et leur engagement envers le Seigneur et l’œuvre qui les attendait étaient incontestables. Il devait en être de même pour nous. Un autre facteur à prendre en compte est qu’au moment où ils ont atteint Gethsémané pendant cette terrible nuit, ils étaient restés éveillés pendant de nombreuses heures durant. Ils étaient de simples mortels comme nous, soumis à toutes les difficultés et fragilités de la mortalité.

D’où la question ferme et compatissante du Sauveur : « Dors-tu ? Tu n’as pas pu veiller une heure ? »2 Le Sauveur, connaissant le désir de leur cœur malgré leur condition de mortel, leur demanda d’attendre et de veiller pendant qu’Il allait prier.

Le Sauveur, connaissant notre condition de mortel mais aussi les désirs de nos cœurs, nous a demandé à plusieurs reprises d’attendre et de veiller individuellement.

En raison de malentendus de personnes qui ne voulaient pas que l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours s’établisse au Ghana, l’Église a été interdite. Le 15 juin 1989, le gouvernement du Ghana a suspendu toutes les activités de l’Église. Les membres de l’Église se sont mutuellement et fidèlement servis. Ils ne se réunissaient pas dans les lieux de culte de l’Église, et n’élevaient pas la voix vers leur Seigneur, mais tout comme le peuple d’Alma qui était persécuté par Amulon, ils « lui déversaient leur cœur »3. Le Sauveur, par une voix douce et légère, a demandé à ces membres fidèles, engagés et gardiens des alliances, d’attendre et de veiller, et de continuer sur le chemin des alliances. La voix de l’Eternel leur parvint dans leurs afflictions : « Relevez la tête et prenez courage, car je connais l’alliance que vous avez faite avec moi ; et je ferai alliance avec mon peuple et le délivrerai de la servitude ».4

Le 30 novembre 1990, après une période de 18 mois, le gel a été levé et l’Église a pu continuer comme avant. Les membres qui « œuvraient avec zèle à une bonne cause, faisaient beaucoup de choses de leur plein gré et produisaient beaucoup de justice »5, ont trouvé la joie dans le voyage de 18 mois plutôt que d’anticiper l’arrivée.

Alors que nous nous souvenons du gel au Ghana, puissions-nous faire face à nos défis quotidiens et à notre voyage à travers ce séjour mortel avec foi et joie. Puissions-nous trouver la joie dans le voyage et non dans l’arrivée imminente, quelle qu’elle soit. « Puissions-nous avancer résolument le cœur empli d’amour, marchant avec une ‘espérance d’une pureté parfaite’ qui éclairera le chemin de nos attentes sacrées sur lequel nous avançons depuis maintenant 200 ans »6.

Où vous voyez-vous, vous et l’Église en Afrique de l’Ouest, grâce à vous, dans les 18 prochains mois ? Ou dans les 5, 10, 15 prochaines années ? Je vous invite par ses mots d’au revoir à accepter l’invitation du Président M. Russell Ballard : réfléchissez à l’offrande que vous allez présenter au Seigneur en justice »7. Je vous promets, chers frères et sœurs d’Afrique de l’Ouest, que mon épouse Naume et moi-même avons appris à tant aimer, que « les effets durables les plus importants seront ceux du changement de nos cœurs et d’un commencement d’une quête permanente pour l’entendre »8.

En servant les autres, nous nous rapprochons de Jésus-Christ. Nous ne comprenons pas pleinement ce que nous devenons – nous ne pouvons pas voir les desseins de Dieu avec nos yeux naturels. Mais finalement, si nous avons vraiment suivi Jésus-Christ et si nous nous sommes laissé remplir de son amour pur, nous Le verrons et nous comprendrons le plan de Dieu pour notre vie. « Afin que lorsqu’il apparaîtra, nous soyons semblables à lui, car nous le verrons tel qu’il est, afin que nous ayons cette espérance, afin que nous soyons purifiés comme il est pur »9.

J’en suis venu à apprécier la vérité selon laquelle un témoignage grandit au fur et à mesure qu’il est partagé. On n’arrive pas en acquérant un témoignage, mais plutôt un témoignage est une possession menant à un voyage continuel.

Références

  1. Marc 14:38.

  2. Marc 14:37.

  3. Mosiah 24:12.

  4. Mosiah 24:13.

  5. Doctrine et Alliances 58:27.

  6. Jeffrey R. Holland, « Une espérance d’une pureté parfaite », Le Liahona, Mai 2020, 83.

  7. M. Russell Ballard, « Ne persévérerons-nous pas dans une si grande cause ? », Le Liahona, Mai 2020, 11.

  8. Russell M. Nelson, « Remarques préliminaires », Le Liahona, Mai 2020, 7.

  9. Moroni 7:48.