2010
Haendel et le don du Messie
Décembre 2010


Haendel et le don du Messie

Puissions-nous, à la fin de la vie que Dieu nous accorde, être en mesure de reconnaître, tout comme Haendel, que Dieu nous a rendu visite.

Image
Elder Spencer J. Condie

Georg Friedrich Haendel semble être né musicien. Pendant sa jeunesse en Allemagne, il devint un violoniste et un organiste accompli. Après avoir composé son premier opéra en Allemagne, il s’installa en Italie, centre mondial de l’opéra, pour s’essayer à la composition dans le style italien. Il y eut du succès en composant des opéras et de la musique de chambre.

En 1711, à l’âge de vingt-six ans, Haendel décida de s’installer en Angleterre, où ses opéras et ses oratorios furent d’abord appréciés. Cependant, à la fin des années 1730, le public britannique avait moins d’enthousiasme pour les opéras chantés en allemand ou en italien et préférait les comédies telles que L’opéra de quat’ sous. Aussi pendant plusieurs années Haendel eut-il du mal à éloigner les loups (ses créanciers) de sa porte.

En 1737, à bout de forces, après avoir composé quatre opéras en douze mois, le compositeur âgé de cinquante-deux ans subit une attaque cérébrale qui causa une paralysie temporaire du bras droit. Un médecin dit au secrétaire fidèle de Haendel : « Nous pouvons sauver l’homme, mais le musicien est irrémédiablement perdu. Je pense que son cerveau a été atteint de manière irréversible1. »

Le compositeur fit mentir le diagnostic. Avec le temps, son corps réagit au traitement qu’il reçut dans les eaux thermales d’Aix-la-Chapelle (Allemagne), et il se remit. Après avoir testé ses capacités à l’orgue dans une cathédrale proche, il s’exclama avec jubilation : « Je suis revenu du séjour des morts2. »

Quand il retourna à Londres et reprit la composition d’opéras, ses œuvres ne furent pas bien reçues et les créanciers revinrent le harceler. Profondément déprimé, il se demanda : « Pourquoi Dieu a-t-il permis ma résurrection si c’est pour permettre à mes semblables de m’ensevelir à nouveau3 ? » En avril 1741, Haendel donna ce qu’il pensait être son concert d’adieu. Sa créativité avait disparu. Un biographe a écrit : « Il n’y avait rien à commencer ou à finir. Haendel se trouvait face au vide4. »

Par une fin d’après-midi d’août de cette même année, Haendel venait de rentrer d’une longue et fatigante marche pour s’apercevoir que Charles Jennens, poète qui avait été son collaborateur, lui avait laissé un manuscrit. Ce livret citait abondamment les Écritures, en particulier les paroles d’Ésaïe annonçant la naissance de Jésus-Christ et décrivant son ministère, sa crucifixion et sa résurrection. L’œuvre devait être un oratorio. Vu ses précédents échecs, Haendel commença à lire le texte avec appréhension.

Les premiers mots du manuscrit, « Comfort Ye » (trouve du réconfort, N.d.T.), lui sautèrent aux yeux. Ils dissipèrent les nuages sombres qui avaient si longtemps enveloppé Haendel. Sa dépression s’envola et ses émotions passèrent de l’intérêt à l’enthousiasme à mesure qu’il poursuivait la lecture des déclarations de l’ange sur la naissance du Sauveur, et des prophéties d’Ésaïe concernant le Messie qui viendrait sur terre pour naître comme les autres mortels. Une mélodie familière qu’Haendel avait composée auparavant lui envahit l’esprit lorsqu’il lut : « For unto Us a Child Is Born » (Car un enfant nous est né, N.d.T.). Les notes se distillèrent sur son esprit plus rapidement qu’il ne pouvait les écrire tandis qu’il se représentait l’image du Bon berger aimant dans l’air intitulé « He Shall Feed His Flock » (Il fera paître son troupeau, N.d.T.). Puis vint l’irrésistible exultation exprimée dans l’Alléluia, suivie du témoignage doux et sublime de l’air « I Know That My Redeemer Liveth » (Je sais que mon Rédempteur vit, N.d.T.). L’œuvre prit fin avec la conclusion majestueuse de l’air « Worthy Is the Lamb » (Digne est l’Agneau, N.d.T.).

Après toute la musique qu’il avait composée, Haendel allait finalement être mondialement connu pour cette œuvre unique, Le Messie, composée en seulement trois semaines à la fin de l’été 1741. Une fois sa composition terminée, il reconnut humblement : « Dieu m’a rendu visite5. » Les gens qui ressentent le Saint-Esprit à l’écoute du témoignage sublime du Messie de Haendel sont d’accord avec lui.

Haendel stipula auprès des mécènes de la première représentation de l’oratorio, que tous les profits de cette représentation du Messie et de toutes les suivantes « devaient être distribués aux prisonniers, aux orphelins et aux malades. » Il ajouta : « J’ai moi-même été très malade et je suis maintenant guéri. J’étais prisonnier et j’ai été délivré6. »

Après la première du Messie à Londres, un des auditeurs félicita Haendel pour cet excellent « divertissement ».

Haendel répondit humblement : « Milord, je serais désolé si je n’avais fait que les divertir. Mon désir est de les rendre meilleurs. »7

Il était finalement délivré de sa quête incessante de célébrité, de gloire, de fortune et d’honneurs, mais ce ne se produisit qu’après avoir composé son œuvre capitale pour un public qui accueillait ceux qui n’étaient pas de cette terre. Le plus important n’était plus à la merci de ce qui l’était le moins. Haendel, le compositeur fiévreux, était maintenant en repos.

Leçons de la vie de Haendel

Quelles leçons pouvons-nous tirer de la vie de Georg Friedrich Haendel et de la composition d’un oratorio qui est devenu un chef-d’œuvre spirituel ?

  1. Nous devons acquérir la confiance en nos capacités et apprendre à accepter les appréciations portant sur notre travail. Selon les paroles du poète Rudyard Kipling : « Faites-vous confiance lorsque tout le monde doute de vous, mais tenez aussi un peu compte de leurs doutes. »8

  2. La quantité ne remplace pas la qualité et la variété. Les premiers opéras de Haendel ont presque tous été oubliés. Leur structure prévisible et toute faite n’arrivait simplement pas à inspirer ; chaque opéra ressemblait à ceux qu’il avait déjà composés.

  3. Lorsque nous agissons sous l’inspiration, nous accomplissons l’œuvre des cieux. Nous ne pouvons pas forcer l’Esprit, mais lorsque nous recevons l’inspiration et la révélation, nous devons écouter et agir selon leurs directives. Le Seigneur a promis que « la puissance de mon Esprit vivifie tout » (D&A 33:16).

  4. Nous devons reconnaître la source de l’inspiration et de la révélation. Nous ne sommes que des instruments dans l’œuvre que nous accomplissons et qui bénit les autres. Nous devons comprendre, comme Haendel lorsqu’il a attribué à Dieu l’honneur qui lui était rendu pour son œuvre, que « Dieu [nous] a rendu visite. »

  5. Nous ne devons jamais sous-estimer le pouvoir de la parole. La parole de Dieu possède un pouvoir qui surpasse de loin les oeuvres des écrivains les plus doués de ce monde (voir Alma 31:5).

  6. La véritable signification spirituelle d’une œuvre est transmise par le témoignage du Saint-Esprit. Nous savons que « lorsqu’un homme parle [ou chante] par le pouvoir du Saint-Esprit, le pouvoir du Saint-Esprit porte ses paroles dans le cœur des enfants des hommes » (2 Néphi 33:1).

  7. Le pouvoir est en Dieu et dans ses œuvres, pas dans nos paroles. En parlant de ceux qui professaient la religion à l’époque de Joseph Smith, le Sauveur lui dit : « Ils s’approchent de moi des lèvres, mais leur cœur est éloigné de moi, … ayant une forme de piété, mais ils en nient la puissance » (Joseph Smith—Histoire 1:19). Haendel avait composé d’autres oratorios et d’autres opéras à partir de textes de la Bible, mais la forme de sa musique ne correspondait pas au pouvoir des Écritures, aux merveilleuses prophéties d’Ésaïe concernant la naissance et le ministère du Sauveur, ou à l’accomplissement de ces prophéties que l’on trouve dans l’Apocalypse et dans les Évangiles de Luc et de Jean. Dans le Messie de Haendel, nous trouvons aussi bien la forme que la puissance de la piété. Dans le Messie,les lèvres et le cœur sont attirés vers les cieux.

Chacun de nous, comme Georg Friedrich Haendel, participe à une entreprise de création spirituelle. Donner la vie ainsi que vivre dans la justice sont des accomplissements spirituels. Je prie pour que nous soyons sensibles à l’inspiration d’en haut, de telle manière que les fruits de nos travaux inspirent les autres. Puissions-nous, dans nos efforts pour sauver les autres, ne pas être liés par des modèles éprouvés par le temps et par des préjugés que nous nous imposons à nous-mêmes, qui limitent notre créativité spirituelle et excluent la révélation.

Dans Aurora Leigh, son poème épique, Elizabeth Barrett Browning exprime cette pensée éloquente :

La terre est débordante du divin,

Et chaque buisson contient la flamme divine ;

Mais seul celui qui voit retire ses souliers ;

Les autres sont assis tout autour à cueillir des mûres9.

Puisse chacun de nous dénouer les lacets de ses souliers et marquer ses accomplissements de l’empreinte des cieux. Puissions-nous ne pas être surpris à cueillir des mûres alors qu’une œuvre bien plus grandiose et plus sublime est à faire.

Et à la fin de la vie que Dieu nous a donnée, puissions-nous reconnaître, tout comme Haendel, que Dieu nous a rendu visite dans nos travaux.

Notes

  1. Dans Stefan Zweig, La marée de la fortune : Douze miniatures historiques, 1940, p. 104.

  2. Dans La marée de la fortune, p. 107.

  3. Dans La marée de la fortune, p. 108.

  4. Dans La marée de la fortune, p. 110.

  5. Dans La marée de la fortune, p. 121.

  6. Dans La marée de la fortune, p. 122.

  7. Dans Donald Burrows, Haendel : Le Messie, 1991, p. 28; voir aussi « Un hommage à Haendel », Improvement Era, mai 1929, p. 574.

  8. Rudyard Kipling, «Si— », dans The Best Loved Poems of the American People, sél. Hazel Felleman, 1936, p. 65.

  9. Elizabeth Barrett Browning, recueil de John Bartlett, Familiar Quotations, 14e éd,. 1968, 619.

Portrait de Haendel attribué à Balthasar Denner © Getty Images; violon, photo Matthew Reier; illustration Jed Clark © IRI

La naissance de Jésus, Tableau de Carl Heinrich Bloch, utilisé avec la permission du National Historic Museum de Frederiksborg à HillerØd, Danemark; Le Christ instruit Marie et Marthe, tableau de Soren Edsberg, reproduction interdite ; Le Christ guérit un aveugle, tableau de Carl Heinrich Bloch, reproduit avec la permission du National Historic Museum de Frederiksborg à HillerØd, Danemark, reproduction interdite ; photos Richard M. Romney

Le reniement de Pierre, tableau de Carl Heinrich Bloch, photo par Charlie Baird de l’original au National Historic Museum de Frederiksborg à HillerØd, Danemark; Les trois Marie au tombeau © SuperStock, reproduction interdite ; illustrations photographiques Matthew Reier, Craig Dimond, Christina Smith, John Luke, et Hyun-Gyu Lee