2009
Jusqu’à la perfection
mars 2009


Jusqu’à la perfection

Pendant mon enfance et mon adolescence, j’ai toujours eu tendance à être perfectionniste. Aussi, quand j’ai reçu ma bénédiction patriarcale, une exhortation en particulier m’a semblé naturelle : Accomplir les tâches qui m’étaient données « au mieux de [mes] capacités, jusqu’à la perfection. » Ce n’est que plus tard que j’ai commencé à voir combien je comprenais peu la perfection— et le rôle de la grâce.

En 1995, je suis rentrée chez moi avant la fin de ma mission pour raison de santé. Je me sentais terriblement coupable parce que je pensais ne pas avoir mené ma mission « jusqu’à la perfection ». Venait s’ajouter à ce sentiment d’échec l’incertitude au sujet de ma maladie. Les médecins n’avaient pas encore pu établir de diagnostic.

Malgré mes problèmes de santé, je savais que je devais aller de l’avant ; je me suis donc inscrite dans une université. Mais après seulement deux trimestres, j’avais tellement mal que je suis rentrée chez moi pour subir une opération urgente. C’est alors que les médecins se sont aperçus que j’avais une maladie auto-immune.

Pendant ma convalescence à la suite de l’opération, je me suis mise à travailler à temps partiel chez le chocolatier où j’avais travaillé pendant mon adolescence. Je faisais ce que je pouvais mais je n’avais pas le sentiment que j’accomplissais quelque chose de valable et encore moins que je le faisais jusqu’à la « perfection ». J’ai commencé à me comparer aux autres, surtout à mes amis qui terminaient leurs études universitaires de premier cycle, partaient en mission ou fondaient une famille. Je me sentais laissée en arrière.

Et puis j’ai rencontré Stephanie. Elle est entrée un jour dans la confiserie, un foulard noir autour de la tête. Tout en lui montrant mes chocolats préférés, je me suis sentie poussée à lui demander ce qui lui arrivait. Elle a souri, a enlevé son foulard et, me montrant sa tête chauve, m’a dit qu’on lui faisait de la chimiothérapie. Cet échange a marqué le début d’une amitié profonde et franche.

Stephanie passait régulièrement au magasin pour savourer une friandise et parler de la vie. J’ai appris qu’elle était membre de l’Église et qu’elle avait eu des problèmes spirituels et physiques. Elle m’a parlé de certains choix rebelles qu’elle avait faits et de ses efforts pour se repentir. Elle faisait des efforts pour être scellée à son mari dans le temple.

Un jour, je lui ai parlé de quelques-uns de mes problèmes. Je lui ai confié combien j’étais découragée par ma situation. Je lui ai dit, pour m’expliquer : « Je prépare les mêmes coupes de glace qu’au lycée. Je n’ai pas terminé ma mission ni mes études supérieures et je ne sais pas quoi faire maintenant. »

Stephanie m’a répondu : « Pourquoi veux-tu absolument finir la course de la vie en un temps fixé ? Pourquoi ne pas simplement courir ? »

Pour la première fois, j’ai compris que je faisais tous les efforts possibles et que c’était suffisant. Le Sauveur m’aimait et sa grâce, par son sacrifice expiatoire, me suffisait pour compenser mes déficiences. Malgré mon impression de l’avoir toujours recherché, je n’avais pas appris une leçon importante sur son rôle dans ma vie jusqu’à ce que Stephanie me dise ce qu’elle pensait.

Dans Éther 12:27, il est dit : « Ma grâce suffit à tous les hommes qui s’humilient devant moi ; car, s’ils s’humilient devant moi, et ont foi en moi, alors je rendrai fortes pour eux les choses qui sont faibles » (Éther 12:27). En étant capable de m’humilier et d’avoir foi au Seigneur, j’ai vu maintes et maintes fois qu’il rend fortes les choses qui sont faibles. Le témoignage accru que j’ai de cette vérité m’a aidée à affronter mes difficultés avec plus de foi et d’espoir.

Quelques mois après cette conversation, je suis allée m’installer dans une autre ville pour commencer un nouvel emploi et j’ai perdu le contact avec mon amie. Un jour, ma mère m’a appelée pour me dire qu’elle avait vu le faire-part des obsèques de Stephanie dans le journal. Je suis revenue assister à son enterrement et j’ai appris qu’elle avait été scellée à son mari juste trois semaines avant son décès.

J’étais reconnaissante d’avoir rencontré Stephanie et de ce qu’elle m’avait appris sur le fait de faire une course parfaite. Il n’est pas nécessaire que je sprinte tout le temps. De temps en temps, tout ce que je peux faire, c’est me tourner vers la ligne d’arrivée. C’est bien de faire de son mieux pour aller de l’avant, quelle que soit notre « plus grande » vitesse. Nos efforts peuvent être rendus parfaits parce que la grâce du Seigneur est suffisante pour nous tous (voir Moroni 10:32).

Illustration Dilleen Marsh